Genève : La justice annule une loi sur la transformation des bureaux en logements

par | Juil 31, 2025 | Immobilier | 0 commentaires

La réversibilité des bureaux retoquée : entre volonté politique et limites juridiques

Dans un contexte marqué par une pénurie persistante de logements et une vacance de bureaux en forte hausse à Genève, une loi ambitieuse votée en août 2024 visait à répondre à ces deux problématiques en imposant la « réversibilité » des bureaux. L’idée était simple : toute nouvelle construction de bureaux devait être conçue de manière à pouvoir être transformée facilement en logements. Mais en juin 2025, la justice genevoise a annulé ce texte, jugeant qu’il allait trop loin.

Une réponse à un double enjeu urbain

La loi avait été portée par une majorité politique regroupant les Verts, le PS, le MCG et Liberté et justice sociale (LJS). Elle répondait à une réalité préoccupante : alors que près de 300 000 m² de surfaces de bureaux sont vacants à Genève, la demande en logements ne cesse de croître. Transformer des espaces inoccupés en habitations semblait donc à la fois logique et urgent.

Concrètement, la loi exigeait que toute nouvelle construction de bureaux soit planifiée dès le départ pour pouvoir, en cas de besoin, être reconvertie facilement en logement. Cela impliquait des standards de construction spécifiques, comme des hauteurs de plafond compatibles, des infrastructures sanitaires adaptables, des ouvertures répondant aux normes d’habitation, ou encore des isolations thermiques renforcées. Le tout avec l’objectif de limiter les travaux à réaliser si un changement d’usage s’avérait nécessaire dans le futur.

Une décision judiciaire qui remet tout en question

Saisie par plusieurs associations professionnelles et acteurs du secteur immobilier, la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de Genève a estimé que cette loi était disproportionnée.

Selon les juges, l’obligation généralisée de rendre tous les projets de bureaux « réversibles » portait une atteinte excessive à deux principes fondamentaux : la liberté économique et le droit de propriété. En clair, l’État ne peut pas imposer à tous les promoteurs et investisseurs des contraintes aussi lourdes sans justification suffisante au cas par cas.

La Cour a également souligné que la réversibilité, bien qu’intéressante en théorie, ne peut pas s’appliquer partout. Certains bâtiments sont orientés nord, ne reçoivent pas assez de lumière, ou sont conçus pour des usages commerciaux spécifiques, difficilement adaptables à un cadre de vie résidentiel. Dans ces cas, prévoir d’emblée une transformation future revient à alourdir les coûts sans garantie d’usage réaliste.

Les surcoûts ont d’ailleurs été chiffrés à environ 15 % par les milieux professionnels. Un fardeau jugé trop important, surtout dans un marché où les marges de rentabilité sont déjà serrées et les contraintes réglementaires nombreuses.

Un des juges, dans une opinion minoritaire, a toutefois exprimé une position plus nuancée. Selon lui, la loi aurait pu être partiellement sauvée si elle avait prévu des dérogations, des seuils ou des cas particuliers, permettant une application modulée selon les quartiers, les projets ou les contextes économiques. Cette absence de flexibilité a été un facteur décisif dans l’annulation complète du texte.

Réactions et débat politique

Pour les auteurs de la loi, comme le député écologiste Philippe de Rougemont, cette décision est une réelle déception. Il rappelle que la vacance de bureaux à Genève atteint des niveaux inédits, tandis que de nombreuses familles cherchent un logement sans succès. Pour lui, il s’agissait d’une mesure pragmatique, anticipatrice, qui aurait permis d’agir rapidement sans attendre une nouvelle crise immobilière.

Du côté des milieux économiques, en revanche, le soulagement est palpable. Christophe Aumeunier, secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière (CGI), s’est félicité pour la décision. Il estime que cette loi aurait rigidifié davantage un secteur déjà encadré par des plans localisés de quartier (PLQ) très contraignants. Selon lui, la transformation de bureaux en logements ne peut pas être standardisée par une règle universelle, mais doit se penser projet par projet.

Et maintenant ?

Si la loi est annulée, l’idée qu’elle portait ne disparaît pas pour autant. La reconversion de bureaux vacants en logements reste une piste intéressante et nécessaire, dans un canton où la pression démographique ne faiblit pas. Mais cette décision oblige à repenser la manière d’encadrer cette ambition.

Plusieurs alternatives sont évoquées par les professionnels et les urbanistes :

  • Créer des incitations fiscales pour les promoteurs qui acceptent volontairement d’intégrer une dimension réversible dans leurs projets.

  • Réviser certains standards urbanistiques ou normes énergétiques pour faciliter les transformations futures.

  • Encourager des partenariats public-privé, où l’État et les propriétaires collaborent dès la conception des bâtiments pour prévoir des usages mixtes.

En somme, la transformation de bureaux en logements ne peut pas être imposée de façon systématique. Mais elle reste une carte stratégique à jouer intelligemment, avec des outils mieux calibrés.


Conclusion

L’annulation de cette loi ne doit pas être vue comme un retour en arrière, mais comme une occasion de redéfinir les priorités urbanistiques du canton. Entre rigidité réglementaire et besoin de flexibilité, entre vision à long terme et contraintes du terrain, Genève doit inventer un modèle plus souple, capable d’anticiper les mutations de la ville sans fragiliser ses acteurs économiques.

Source : https://www.letemps.ch/suisse/geneve/la-justice-genevoise-annule-une-loi-qui-visait-a-transformer-plus-facilement-les-bureaux-en-logements

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