Le ralentissement des ventes n’a rien à voir avec la hausse des taux

Le groupe immobilier allemand Engel & Völkers, l’un des leaders mondiaux de l’immobilier, a ouvert un bureau à Genève en 2023. Bardé de diplômes (MRICS, London School of Economics, membre de la Royal Institution of Chartered Surveyors…), son directeur, Costas Dambassinas, livre une vision du marché actuel qui prend à contrepied les analyses des spécialistes de l’immobilier.
Le nombre de transactions immobilières à Genève a atteint son plus bas niveau en dix ans, selon les derniers chiffres de l’Office cantonal de la statistique. Comment l’expliquez-vous ?
Selon mon expérience, ce n’est pas le marché qui a baissé, mais ce sont les acquéreurs qui sont plus rares.
À Genève, lors du Covid, sur nos 10’000 acquéreurs, 7’000 se sont rués sur les biens à vendre. Craignant d’être confinés à vie, ils ont acheté dans la précipitation, à n’importe quel prix. Nous avons vendu de nombreuses villas, et même un appartement au rez-de-chaussée avec jardin, dans des fourchettes allant de 3 à 4 millions.
Ce n’étaient malgré tout pas des mauvaises opérations. Les propriétaires ont acheté lorsque les taux étaient plus bas que 1%. Même si ces acheteurs regrettent leur achat, il leur coûte très peu aujourd’hui. Mais lorsqu’on achète avec un taux en dessous de 1%, on le bloque sur dix ans. Ceux qui ont acheté il y a deux ans ne peuvent pas vendre avant 2032, par exemple. Les pénalités seraient énormes. Selon moi, 70% des acquéreurs sont bloqués pour encore huit ans minimum.
En revanche, passé ce délai, de nombreux biens seront remis en vente sur le marché.
Les analystes pointent plutôt du doigt la hausse des taux d’intérêt, qui diminue la capacité financière des acquéreurs…
La capacité financière est de toute façon calculée par les institutions financières sur un taux hypothétique de 5% ! Donc cela n’a absolument aucune incidence. À part sur le paiement des intérêts chaque mois, qui risquent effectivement d’être un peu plus élevés – sans que cela représente un réel frein.
Ce ne sont pas les taux d’intérêt qui définissent le marché, mais l’offre et la demande. Si une famille est trop serrée pour vivre dans un quatre-pièces, elle achètera plus grand, même si cela lui coûte un peu plus cher.
Surtout, on oublie qu’il y a dix ans, le meilleur taux était de 2,8% ! Et il y a encore des propriétaires qui sont bloqués pour quinze ans à des taux qui gravitent autour des 3%, et n’ont jamais profité des taux négatifs. Donc pour ceux qui doivent renégocier une dette aujourd’hui, les taux actuels présentent une nette amélioration. Tout dépend par où on regarde.
Quelle conséquence cette situation a-t-elle sur les vendeurs ?
Chaque propriétaire pense que sa maison – et il a raison – est la plus belle. Des vendeurs ont laissé passer la vague Covid où il y avait beaucoup de demandes et peu d’offres. Aujourd’hui, ils refusent de baisser leurs prix sous prétexte que leur voisin a vendu un bien similaire pour 4 millions. Certes, mais c’était il y a deux ans, avec des taux à 1%.
Aujourd’hui, avec la nouvelle baisse des taux, certains souhaitent encore augmenter leur prix, alors qu’ils ne l’avaient même pas baissé lors des dernières hausses. Ce n’est pas logique. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui regrettent de ne pas avoir accepté des offres deux, trois mois en arrière.